Ovida Delect (1926-1996) était une femme trans française, poétesse, résistante communiste déportée.
Née en 1926 en Normandie, elle est élève au Lycée Malherbe à Caen pendant la Seconde Guerre Mondiale alors qu’elle fonde, avec d’autres jeunes, un groupe de Résistance rattaché au Parti Communiste.
Dans ce cadre, elle s’infiltre dans les Jeunesses nationales populaires (groupe créé par le Rassemblement national populaire, parti collaborationniste). Elle parvient à obtenir d’importantes informations et sème le désordre dans le groupe en répandant des fausses nouvelles.
Elle est alors démasquée, et est arrêtée par la Gestapo le 23 février 1944 et torturée, sans jamais dénoncer ses camarades, puis est déportée en Allemagne. Deux ans plus tard, à la Libération, elle rentre du camp de Neuengamme puis reprend ses études.

Elle commence alors à publier des poèmes abordant le thème de la Résistance dans des journaux locaux, puis monte à Paris où elle se constitue un cercle d’amis poètes (dont Paul Eluard), avant de sortir diplômée de l’Ecole Normale en tant que professeure de lettres.
En 1952, elle rencontre sa future femme, Huguette, et commence à se confier sur son identité, alors que la transition très médiatisée de Christine Jorgensen inonde la presse de l’époque, et fait écho à son vécu.

Alors qu’elle devient maire d’une petite commune au début des années 60, sa transidentité lui pèse de plus en plus. Mais la poésie l’aide à survivre :
« Le fait de « poévivre », de pouvoir me libérer, m’affirmer par l’écriture, m’a aidée à supporter de lourdes charges, à ne pas me laisser écraser par la douleur, à ne pas mettre fin à mes jours, à rogner la hauteur des obstacles et à les traverser. »
A l’âge de 55 ans, retraitée, elle transitionne finalement. C’est alors qu’on lui propose de participer au documentaire « Appelez-moi Madame » (1986) de Françoise Romand, ce qu’elle accepte. Elle doit cependant déménager face à l’hostilité des habitants de son village, mais la diffusion du documentaire lui permet de créer des liens avec d’autres femmes, des lesbiennes, des littéraires, et de reprendre l’écriture.
Elle meurt en 1996, à 70 ans, des suites d’une maladie. Elle laisse derrière elle une dizaine de recueils de poèmes ainsi qu’une autobiographie : « La Vocation d’être femme : itinéraire d’une transsexualité vécue” publiée en 1996.
Le 19 juin 2019, la Ville de Paris inaugure la Place Ovida Delect dans le 4ème arrondissement.
Sources :
ROMAND Françoise, Appelez-moi Madame, Alibi Productions, INA Distribution, 1986.
FOERSTER Maxime, Elle ou lui? Histoire des transsexuels en France, La Musardine Editions, 2012.
DELECT Ovida, La vocation d’être femme : itinéraire d’une transsexualité vécue, L’Harmattan, 1996.
CAGNARD-BUDIMAN Daphné, Les mille vies d’Ovida Delect, poétesse, résistante, communiste, femme transgenre, Ouest-France, 11/07/2021.
GENDARME Frédéric, Communiste, résistante et transsexuelle à Saint-Pierre-du-Vauvray, Vice.com, 13/04/2015.
BOBARD DELIERE Matthieu, Mois des fiertés : Paris inaugure 4 noms de rues à la mémoire des LGBTQ+, Konbini.com, 19/06/2019.